(Mythologie) divinité célèbre à laquelle on donnait l'intendance des bois, des jardins, des vergers. Les affranchis la regardaient aussi comme leur patrone, parce que c'était sur ses autels qu'ils prenaient le chapeau ou le bonnet qui marquait leur nouvelle condition.
Feronia avait dans toute l'Italie des temples, des sacrifices, des fêtes et des statues. Un de ses temples était bâti in campis Pometinis, dans le territoire de Suessia-Pométia, à 24 milles du marché d'Appius. C'est-là qu'Horace décrivant son voyage de Rome à Brindes, ajoute en plaisantant qu'il ne manqua pas de s'arrêter pour rendre ses hommages à Féronie : " ô déesse, s'écrie-t-il, nous nous lavâmes les mains et le visage dans la fontaine qui vous est consacrée ".
Ora, manusque, tuâ lavimus, Feronia, lymphâ.
Sat. V. liv. I. Ve 24.
Mais le temple principal de cette divinité champêtre était sur le Mont-Soracte (aujourd'hui Monte-tristo), dans le pays des Falisques, à 24 milles de Rome, entre le Tibre et le chemin de Flaminius, près de la ville Feronia, d'où la déesse avait pris son nom. Les habitants de Capene, dit Tite-Live, et ceux des environs, qui allaient offrir dans ce temple les prémices de leurs fruits, et y consacrer des offrandes à proportion de leurs biens, l'avaient enrichi de beaucoup de dons d'or et d'argent, quand Annibal le ravagea et emporta toutes ses richesses.
Auprès de ce temple, que les Romains rebâtirent était un petit bois dans lequel on célébrait la fête de la déesse par un grand concours de monde qui s'y rendait assidument. Ovide se plait à nous assurer que ce bois ayant été brulé une fois par hasard, on voulut transporter ailleurs la statue de Féronie ; mais que le bois ayant aussi-tôt reverdi, on changea de dessein, et on y laissa la statue. Strabon parlant de ce bois, rapporte une autre particularité très-curieuse : c'est que tous les ans on y faisait un grand sacrifice, où les prêtres de la déesse, animés par son esprit, marchaient nuds pieds sur des brasiers, sans en ressentir aucun mal. Voyez EPREUVES.
Il ne faut pas oublier de remarquer ici que les prêtres d'Apollon, leurs voisins, avaient aussi le même privilège, du moins Virgile le prétend. Il raconte dans son Enéïde, liv. XI. qu'Arons, avant que d'attaquer Chlorée, fit cette prière : " Grand Apollon, qui tenez un rang si considérable parmi les dieux ; vous qui protégez le sacré Mont-Soracte ; vous qui êtes le digne objet de notre vénération ; vous pour qui nous entretenons un feu perpétuel de pins ; vous enfin qui nous accordez la grâce de marcher sur les charbons ardents au-travers du feu, sans nous bruler, pour récompenser les soins que nous prenons d'encenser vos autels.... " Voilà donc divers prêtres qui, dans un même lieu, faisaient à l'envi, sans disputes et avec le même succès, l'épreuve du fer chaud, quoique, suivant Pline et Varron, ils ne marchaient impunément sur les charbons ardents qu'après s'être frottés en secret d'un certain onguent la plante des pieds ; mais le vulgaire attribuait toujours à la puissance des divinités dont ils étaient les ministres, ce qui n'était que l'effet de leur supercherie.
Maintenant personne ne sera surpris que pendant la solennité des fêtes de Féronie les peuples voisins de Rome y accourussent de toutes parts, et qu'on eut dressé à cette déesse quantité d'autels et de monuments dont il nous reste encore quelques inscriptions : voyez -en des exemples dans Feretti, inscript. p. 443. Gruter, inscript. tom. III. p. 308. et Spon, antiq. sect. IIIe n°. 23.
Nous avons aussi des médailles d'Auguste qui représentent la tête de Feronia avec une couronne, et c'est sans-doute par cette raison qu'on la nommait , qui aime les couronnes. On l'appelait encore , porte-fleurs. Au reste Servius a travesti Féronie en Junon, et le scholiaste d'Horace en a fait une maîtresse de Jupiter. Virgile lui donne pour fils Hérilus, roi de Préneste. Consultez sur tout cela nos Antiquaires, nos Mythologistes, nos Littérateurs, et en particulier Struvius, antiq. rom. synt. cap. j. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.