ou BEL-PEHOR, s. m. (Mythologie) fausse divinité que les Israélites adoraient à l'imitation des Moabites, selon le récit que Moyse en fait au ch. xx. des Nombres. Selden croit que c'était un faux dieu des Moabites et des Madianites, et le même qui est seulement nommé peor au chap. qui vient d'être cité, et au xxxj. du même livre ; comme encore au xxij. de Josué. Une lettre hébraïque , dont la prononciation est difficile, et qui se change souvent en g dans les autres langues, a fait aussi, qu'on l'a nommée phegor. Origène, homel. xx. sur le livre des nombres, dit qu'il n'a rien pu trouver dans les écrits des Hébreux, touchant cette idole de saleté et d'ordure : Beel-phegor, dit-il, est le nom d'une idole qui est adorée dans le pays de Madian, principalement par les femmes. Le peuple d'Israel se dévoua à son service, et fut initié dans ses mystères. Origène ajoute que Beel-phegor marque une espèce de turpitude et de vilainie. Le rabbin Salomon de Lunel, autrement Jarchi, dans son commentaire sur le xxv. des Nomb. croit que ce nom signifie faire ses ordures devant quelqu'un, et que les idolâtres faisaient cette sale action devant Beel-phegor. Le célèbre Moyse, fils de Maimon, approche de son sentiment, l'explique un peu plus au long dans son livre intitulé More Neuochim, part. III. chap. xlvj. que Buxtorf le fils a traduit en latin. On a encore allégué d'autres raisons du nom de cette idole. Quelques-uns croient qu'elle s'appelait ainsi à cause qu'elle avait la bouche ouverte. Philon juif, est de cette opinion ; et il semble qu'au lieu de Beel-phegor, il avait lu Baal piaghor ; ce qui peut signifier la bouche ou l'ouverture supérieure de la peau. S. Jérôme sur le IVe et le IXe du prophète Osée, et au premier livre contre Jovinien, chap. XIIe croit que le Beel-phegor des Moabites et des Madianites, est le même que le Priape des Grecs et des Latins. Isidore est de cette opinion, au VIII. livre des Origines ; et Rufin au III. livre sur Osée. Ces auteurs prouvent par les endroits de l'Ecriture sainte, où il est parlé des fornications des Moabites et des Hébreux, que ces deux idoles, Beel-phegor et Priape, étaient honorées avec d'infames cérémonies. Ils alleguent aussi le ch. IXe du prophète Osée, où ceux qui servaient Beel-phegor sont accusés de commettre des impudicités, et de faire des choses abominables. Le P. Kircher suit aussi le sentiment de S. Jérôme, et dit que cette infame idolatrie était venue d'Egypte, où les Hébreux avaient Ve les détestables cérémonies d'Osiris. Scaliger conjecture que le nom de phegor fut donné en dérision au dieu des Moabites qui s'appelait Baal-kéem, le dieu du tonnerre, que les Hébreux appelèrent par mépris le dieu du pet ; comme ils changèrent le nom du dieu d'Accaron, Beelzebub, qui signifie le dieu des mouches, en celui de Beelzebul, dieu des excréments ; et comme ils donnèrent à Béthel, où étaient les veaux d'or de Jéroboam, le nom de beth-aven, maison d'iniquitté. Vossius après S. Jérôme, croit que phegor est le dieu Priape ; d'autres se persuadent que cette idole reçut son nom de quelque prince qui fut mis au nombre des dieux, ou de quelque montagne du même nom, car il y avait dans le pays de Moab une montagne qui s'appelait phegor ; et l'on croit que Baal y avait un temple, où on lui offrait des sacrifices. Balac, dit Moyse, Nomb. chap. xxiij. verset 28, conduisit Balaam au sommet de Phegor, qui regarde vis-à-vis du désert de Jesimon. Théodoret sur le pseaume cv. fait venir de-là le nom de Beel-phegor, et Suidas en donne l'étymologie en ces termes : Beel, c'est Saturne ; Phegor, le lieu où il était adoré ; et de ces deux noms a été formé celui de Beel-phegor : car comme Jupiter a été appelé Olympien, et Mercure Cyllenien, à cause des montagnes de Thessalie et d'Arcadie, où ils étaient adorés, il y a apparence que Baal était appelé Baal-phegor, à cause du mont Phegor où on lui sacrifiait. Il est fait mention au chap. xxxjv. du Deuteronome de la maison de Phegor ou de Beeth-phegor, qui étaient dans le pays de Moab, auprès de la vallée dans laquelle Moyse fut enseveli. Les noms de beth-dagon, de beth-shemesh, etc. semblent être des preuves que Beel-phegor se peut prendre-là pour la montagne où était le temple de l'idole : car les Hébreux appellent un temple beth, c'est-à-dire maison. Les Moabites offraient les sacrifices à Beel-phegor, dont il est parlé dans les Nombres, chap. xxv. . 2. Les filles de Moab invitèrent les Israélites à leurs sacrifices ; ils mangèrent, et adorèrent leurs dieux, et Israel fut invité aux mystères de Beel-phegor. Et dans le Pseaume cv. ils furent initiés à Beel-phegor, et ils mangèrent les sacrifices des morts. Par ces sacrifices des morts, quelques-uns entendent les sacrifices offerts à Beel-phegor, qui était un dieu mort. D'autres entendent par-là les cérémonies des funérailles, et les offrandes que les Moabites faisaient aux morts. Selden prétend que Beel-phegor était le dieu des morts, ou le Pluton des Grecs ; et que les offrandes que l'on faisait aux manes pour les apaiser, sont ces sacrifices des morts, dont il est parlé en cet endroit. Le P. dom Augustin Calmet conjecture que Phegor est peut-être le même qu'Adonis ou Isiris, dont on célébrait les fêtes comme des funérailles des morts, avec des lamentations et des pleurs, et d'autres cérémonies lugubres, et il prétend que la défense que Moyse fait aux Hébreux, Lévitique xjx. de se raser et de se faire des incisions dans la chair pour les morts, a rapport au culte de Beel-phegor. Cela parait assez vraisemblable ; et il est certain que l'on honorait ainsi Adonis : mais il se peut faire que deux différents dieux aient eu le même culte dans deux diverses habitations ; et il parait que les Hébreux n'appelaient pas Adonis Phegor, mais Thamus. Le même Bénédictin donne encore une autre conjecture sur le dieu Phegor, en prétendant que c'est l'Orus des Egyptiens, fils d'Isis : mais toutes ces conjectures n'ont rien de certain. Consultez Vossius, de l'idolatrie des payens ; livre II. chap. VIIe Voyez BAAL ; Selden, de Diis Syris ; Dom Augustin Calmet, dissertation sur les Nombres. (G)