(Mythologie) Il y eut autrefois dans une cabane de la Phrygie un mari et une femme qui s’aimaient. C’étaient Philémon et Baucis. Jupiter et Mercure parcourant la terre en habit de pélerins, arrivèrent dans la contrée de nos époux : il était tard ; et les dieux auraient passé la nuit exposés aux injures de l’air, si Philemon et Baucis n’avaient pas été plus humains que le reste des habitants. Jupiter touché de la piété de Philemon et de Baucis, et irrité de la dureté de leurs voisins, conduisit les époux sur le sommet d’une montagne, d’où ils virent le pays submergé, à l’exception de leur cabane qui devenait un temple. Jupiter leur ordonna de faire un souhait, et leur jura qu’il serait accompli sur le champ. Nous voudrions, dirent Philemon et Baucis, servir les dieux dans ce temple, nous aimer toujours, et mourir en même temps. Ces souhaits méritaient bien d’être écoutés ; aussi le furent-ils. Philemon et Baucis servirent longtemps les dieux dans le temple ; ils s’aimèrent jusque dans l’extrême vieillesse ; et un jour qu’ils s’entretenaient à la porte du temple, ils furent métamorphosés en arbre. La Fontaine, Prior, et le docteur Swift, ont mis en vers cette fable : la Fontaine a célébré Philemon et Baucis, d’un style simple et naif, sans presque rien changer au sujet. Prior et Swift en ont fait l’un et l’autre un poeme burlesque et satyrique ; la Fontaine s’est proposé de montrer, que la piété envers les dieux était toujours récompensée : Prior, que nous n’étions pas assez éclairés pour faire un bon souhait ; et Swift, qu’il y a peut-être plus d’inconvénient à changer une cabane en un temple, qu’un temple en une cabane. Que d’instructions dans cette fable ! L’amour conjugal, la tranquillité, et le bonheur, réfugiés dans une cabane ; la sensibilité que les indigens et les malheureux ne trouvent que chez les petits ; la cabane changée en temple, parce que les deux époux y rendaient par leur union le culte le plus pur aux dieux ; la simplicité de leurs souhaits, qui montre que le bonheur est dans la médiocrité et dans l’obscurité, et combien les hommes sont insensés de le chercher si loin d’eux-mêmes.